LUCKY
PIERRE
Hypnogogia par Quentin Dève
Aidan Moffat est décidément un personnage schizophrène particulièrement intéressant.
Si son projet principal (Arab strap) est souvent qualifier de dépressif, il a réussit à surprendre, ces derniers temps, avec Sick Anchors (et la reprise de Atomic Kitten !), et surtout avec Ben Tramer, qui, le temps d’un EP, reprenait les thèmes du Halloween de John Carpenter, version electro furibarde et dansante. Il apparaissait alors sous le nom de Lucky Pierre, en duo avec Jason Famous. Ce sont ces deux hommes que l’on retrouvent là, mais Famous s’est ici contenté d’un travail de production. Hypnogogia est un disque inclassable : c’est une sorte de BO d’un film muet des années 30 croisée avec une lounge music du futur. Moffat est insomniaque : pour occuper ses nuits, il a assemblé des samples, qu’il a saupoudré d’electro genre ‘boîte à rythme’ : on trouve ainsi des chants d’opéras (‘Sometimes I feel like a motherless child’) ou de musique traditionnelle, des pianos, des violons, des cuivres (‘Bedwomb’). Aidan ne chante pas ici, Aidan n’a pas écrit de textes non plus. Pourtant, on retrouve toute la poésie qui est en lui, sa capacité à évoquer le vécu en toute simplicité. Il expérimente ici une nouvelle manière de communiquer, instrumentale, lyrique, apaisante. Il redonne vie à des vieux vinyls et se donne vie en même temps.
Les titres choisis pour les morceaux sont de l’univers du rêve et du surnaturel : des anges, des fantômes, un enfer, un paradis… .Une réelle sorte d’ode à la semi conscience. Ne pouvant dormir, Lucky Pierre nous offre des rêves éveillés ayant échoués dans un monde fait de vie et de mort ; image d’ailleurs suggérée par la pochette :à l’avant un petit garçon, à l’arrière une tête de mort effrayante. Entre les deux : Hypnogogia.
Malgré un ou deux titres peu convaincants, Aidan Moffat prouve une nouvelle fois qu’il détient un secret pour créer des univers musicaux ou la beauté à quelque chose de magique, ou la beauté touche comme rarement elle touche. Un secret qui doit laisser bien des envieux. FunkyRate : LUCKY PIERRE, Hypnogogia (Melodic/La Baleine) |