THE MICROPHONES
Mount Eerie
par Quentin Dève
Il descend de la montagne...
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THE MICROPHONES
Mount Eerie |
Phil Evrum (celui qui se cache derrière The Microphones) se souvient d'une immense montagne, près d'où il vivait petit, dans l'état du Washington. La gravir lui paraissait impossible. Le Mount Eerie, haut de 1500 m dans la réalité, habite encore ses cauchemars de jeune homme, l'obsède encore.
Cet album conceptuel raconte comment l'ascension d'une telle butte peut permettre un accomplissement personnel, une découverte de soi, du visage derrière le masque, de l'esprit derrière le visage. Mt Eerie commence par 17 minutes perforantes: "The Sun" se lève avec des bruits lointains, des grésillements et une batterie tribale annonçant en quelque sorte la naissance d'Evrum, sa prise de conscience de son appartenance à l'univers. Un premier morceau épique véhiculant des images très fortes, plongeant l'auditeur dans une réelle introspection. Très tourné sur lui même (Regarde moi faire ça, regarde moi ainsi etc...), Evrum a une voix très émouvante, pas si éloignée de celle d'un autre mégalo, à savoir Conor Oberst de Bright Eyes. Une voix qui apparaît après 10 minutes et emporte tout au passage. La multitude de sons adjoints, inquiétants, mystiques, offrent à Evrum le contexte idéal pour mettre en valeur son organe vocal, presque à nu à certains instants.
Les morceaux n'ont pas de fin prévisible, ils se lient les uns aux autres, ils nous laissent nous infiltrer en eux. Ainsi "Solar System" prend le relais de "The Sun". A partir de là on retrouve les pièces lo-fi et habitées des Microphones, découverts sur le poignant "The Glow Part II". L' enregistrement fait maison retraduit bien les errements, les préoccupations et les songes de Phil Evrum. Les morceaux s'envolent effectivement très haut, en haut de la montagne. De là haut, on prend son pied en observant le paysage d'une manière nouvelle. La guitare tressaute, les beats sont saturés (sur le sublime "Universe"), la voix est décalée par rapport à la musique; mais on ne sait comment, on devient progressivement transcendé. Il y a un côté lugubre voire gothique, un côté fuyant aussi qui donnent à ce disque un pouvoir attractif énorme.
C'est sur le titre éponyme "mt. eerie" que l'on abdique, et que, comme Evrum, on se sent mourir puis renaître avec un visage neuf, un visage vrai. Un morceau en plusieurs phases qui me soulèvent les poils à chaque nouvelle écoute. Musicalement, on pense aux Neutral Milk Hotel, à Robert Wyatt, à Bright Eyes, à Pink Floyd. The Microphones est un projet ambitieux, expérimental mais au final indispensable et d'une grande clarté, à l'image du cinquième et dernier titre ("Universe"), d'une implacable beauté.
L'aspect lo-fi ne fait pas surfait et touche puissamment, ébranle devrais-je dire. Car, je l'avoue, ça fait longtemps que je n'avais pas ressenti un tel vent me fouetter le visage en écoutant un simple disque...Ce qui est sur, et je vous invite à lire de nombreuses autres chroniques sur Internet, c'est que personne n'est indifférent, certains détestent, d'autres comme moi, adorent. C'est souvent le signe des grands disques, dont Mount Eerie fait indubitablement partie.
FunkyRate :
THE MICROPHONES, Mount Eerie
(K)
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