MOORE:MUSIC
To the Cowboys
par Pierre
L'an 2000 sur la terre, DEL THA FUNKY HOMOSAPIAN (avec DELTRON 3030) prophétise "in da year 3030? Everyone wants to be a DJ, in da year 3030, everyone wants to be a pprroduuussaaar".
Déjà, alors, je m'étais dit qu'il était dans le vrai, l'HOMOSAPIAN ; et
le temps ne fait que lui donner raison.
Ils en sont tous rendus là. Oubliées les guitares, rangées les têtes Marshall... tout ce qu'il reste tient dans un disque dur.
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MOORE:MUSIC
To the Cowboys |
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C'est la seconde génération électronique. Celle qui
vient bien loin derrière TELEX ou JACNO, enrichie du travail de défrichage
effectué par les pionniers : les samplers fous du hip-hop, les producteurs
discos, toute la new-wave, les premiers pas de la techno, la proto-house...
voilà pour le background electro. Il est là, pas forcement conscient,
mais là.
Après on a le déclencheur, le vent de teen spirit qui prend l'adolescent
mou et le transforme en moulinette à spleen urbain et gesticulations tragicomiques
; ici, la pop anglaise, ses mélodies, ses harmonies et son insaisissable
jeunesse... "there's no other way, there's no other way", ça vous change
une vie. Ou au moins ça la sature en "papapapaaa", c'est toujours ça de
gagné.
Si vous êtes né dans les années 70, vous comprendrez très bien de quoi
je parle. Dans le cas contraire, constituez un panel de jeunes de la tranche
25-35 ans, ils vont expliqueront.
Voilà pour le contexte. Laurent Dedieu et Patrick Lange sont ados, ils
ont des boutons, ils vivent à Castanet (Castanet est à Toulouse, ce que
Plessy-Patés est à Paris, pas exactement un ghetto ouvrier). Nous sommes
à la fin de cette période pleine de paradoxes que les chercheurs nomment
années 80. Les deux amis s'apprêtent à changer le cours de leur existence,
ils empoignent chacun une guitare, et hop-hop-hop-one-two-three-four ils
font balancer les salles des fêtes.
L'aventure aurait pu s'arrêter là. Mais, contrairement au commun de leurs
congénères, les deux hommes savent jouer, et mieux, savent écrire des
chansons, du bois dont on fait les bombes, du genre à vous rentrer dans
la tête et à y rester obstinément.
Pas étonnant alors, de les retrouver encore ensemble en 1997, prêts
à s'envoler pour Londres où ils espèrent voir leur groupe d'alors, TENPLATINI,
couronné d'un succès mérité.
Seulement voilà. Moi, on m'a toujours dit : "quand tu vas en Alsace, n'emmènes
pas ta choucroute". Aller faire de la (brit)pop à Londres, c'est plus
que risqué. Le succès tant attendu n'est pas vraiment au rendez-vous -
mis à part la victoire à un demo-contest Food records-Sony-Time Out, peu
de débouchés concrets.
Malgré tout, les deux amis persévèrent, se reconstituent from scratch
une collection de disques (ayant laissé leur fonds de commerce en France)
piochant cette fois moins dans la pop-music, mais plus généreusement dans
le jazz, la musique de film, le hip-hop et les labels allemands comme
Kitty-yo et Morr.
Les deux hommes se font room-mates, et cassent leur tirelire pour un G4
équipé Pro-tools... alea jacta est, leur carrière musicale effectue un
tournant : le nouveau millénaire sera électronique ou ne sera pas.
Les nouvelles compositions rappellent cette fois AIR, TELEPOPMUSIK...
mais lorgnent beaucoup plus loin à l'est, vers Berlin et ses GONZALES,
TARWATER...
Le nom MOORE (hommage à "Amicalement votre", avant MOORE, le nom CURTIS
avait déjà été utilisé) commence à se faufiler, se faire entendre, jusqu'à
la méprise d'un journaliste espagnol les rebaptisant MOORE:MUSIC. L'idée
plaît, le nom reste. Le duo continue d'œuvrer dans Pro-Tools, DJaye à
Londres, jouant aussi allégrement BACHARACH que PRINCESS SUPERSTAR.
Des titres paraissent enfin, remix pour AUTOUR DE LUCIE, TOMA, ou featuring
sur des compilations (en France, "Rêves", sélection autour des Rendez-vous
Electroniques 2002).
Aujourd'hui parait le premier album de MOORE:MUSIC, sur le label allemand
Popup.
Les deux compères livrent une riche collection de digressions electro-pop/indietronika(!),
teintées d'influences aussi variées que BACHARACH, BARRY, GAINSBOURG,
SCHIFFRIN ou GONZALES, TARWATER, THE ROOTS...
Les titres, solidement soutenus par des textes riches, dépeignent un véritable
univers d'errances, de destinations et de quêtes.
L'album cumule des titres aux teintes diverses, de l'easy à l'abstract
hip-hop en passant par des éructations de bruit blanc, mais impose une
véritable harmonie d'ensemble. Les titres s'enchaînent comme par évidence,
se portent naturellement l'un l'autre. Une mélodie douce viendra toujours
apaiser les effets d'un rythme sec et saturé.
Avec ce "to the cowboy", les boys de MOORE:MUSIC imposent leur maîtrise,
tant leur album prend l'auditeur dans son siège, le lève, le trimbale
entre mille paysages avant de le reposer tout ému, les yeux pas encore
remis de toutes ces images projetées.
Merci pour le voyage.
FunkyRate :
MOORE:MUSIC, To the Cowboys
(Popup records)
http://www.moore-music.com
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