XIU XIU
Fabulous Muscles
par Quentin
Pénis Déformé
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XIU XIU
Fabulous Muscles |
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Dérangé, torturé, habité et un brin cinglé, Jamie Stewart, leader de Xiu Xiu, est surtout doué. Doué pour retranscrire musicalement ses peines enfouies, doué pour faire partager ses douleurs, profondes, pour mettre à nu ses cicatrices à peine refermées. Le groupe bénéficie, après deux albums passés inaperçus en France, d’une réelle aura, une hype dirait-on outre Atlantique. Il se voit enfin accueilli en Europe par l’excellent label espagnol Acuarela, histoire de sortir Fabulous Muscles.
Tout au long de l’album, on découvre deux voies fondamentales empruntées par Xiu Xiu pour se libérer de ses maux intérieurs : le calme, le sobre et le lo-fi d’un côté, le chaos, les cris, les expérimentations soniques de l’autre. Deux extrêmes qui s’éclairent l’un l’autre et permettent de ne pas sombrer dans les clichés inhérents au rock plaintif.
Avec ses synthés, ses boucles froides, cette pop là a de forts accents cold et new wave. La voix de J. Stewart n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle de Ian Curtis, l’ombre de Joy Division planant sur le disque. Autour du synthé, de la guitare et du chant, assurés par Stewart, gravitent des instruments divers et variés : des percussions, des cordes, des cuivres, joués par un groupe à géométrie très variable.
‘Crank Heart’, le premier morceau, 80’s à souhaits, commence par des notes de synthés, toutes fragiles, toutes naïves même. Avec une dose de misère et une de cynisme, le refrain offre un premier moment de folie, presque dansant. Les cris, les bruits stridents et les bidouillages créent un environnement hypnotisant. Dans ‘Support our troops OH ! (Black Angles)’, Jamie Stewart raconte comment des militaires tuent une petite fille de 4 ans. Avec son phrasé morne et monotone, Stewart ne tombe pas dans le pathos, tant une réelle exaspération, voire une colère semble l’envahir, à peine atténuée par une trompette triturée et dérangeante. Toute cette rage est étonnamment palpable.
L’abrasif, l’incandescent se nourrissent du silence de titres comme ‘Little panda Mc Elroy (b)’ ou de ‘ Fabulous Muscles (Black Widow version)’. Deux morceaux à la fois tristes, drôles, violents et sensuels, crus et cruels : "agenouillé devant la chair désormais familière de ton pénis déformé…". Les thèmes contrastent souvent avec les mélodies. Contrastes permanents et centraux, essentiels et exquis. Les "muscles fabuleux" peuvent être compris de bien des manières : peut- être sont-ce ces muscles que l’on développe instinctivement, pour faire face aux événements douloureux, ces muscles insoupçonnés qui nous sauvent.
Le tube incontesté de l’album est "I Luv the Valley OH !", morceau
d’une rare intensité, invitant à danser, à hurler, à oublier, à vivre.
Quand Stewart dit "Je t’aime the valley OH !" (sic), c’est terrifiant,
au sens propre comme au sens figuré, et quand il crie on est sans voix
(oui, je sais elle est facile celle là!). Si les gimmicks exacerbés peuvent
énerver, ils traduisent plus une spontanéité incontrôlée qu’un désir de
paraître fou. Ce sera un des morceaux de l’été, je vous assure !
Finissons cette chronique par le dernier morceau, "Mike", ou comment foutre la déprime. Le père de J. Stewart s’est suicidé. "Il est parfois difficile pour moi de t’associer à quelque chose d’heureux". Chuchotant sa douleur, Stewart nous laisse dans un silence morbide.
Beau, dérangeant, enragé et contagieux. Chapeau bas.
FunkyRate :
XIU XIU, Fabulous Muscles
(Acuarela)
http://www.acuareladiscos.com
http://www.xiuxiu.org
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