Sur On Tape, Stephan Mathieu livre une théorie musicale de l'évolution: lentement, subtilement, les sons rebondissent, et l'image floue se mue invisiblement pour devenir d'une netteté incomparable. On a rien vu de ce qui s'est passé, mais le résultat est là. A l'instar des installations vidéo de Bill Viola, rien n'est comme avant, et pourtant tout s'est fait sans qu'on ne s'en aperçoive.

STEPHAN MATHIEU On Tape

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Originaire de Sarrebruck, Stephan Mathieu a commencé sa carrière en étant batteur dans des formations de musique improvisée. Quand il se dote de machines et d'ordinateurs, sa vision du monde change. Il retouche les instruments, les habille, les triture: il devient pionnier en matière d'électro-acoustique et devient un excellent designer sonore. Ses "travaux" ou "recherches", minimalistes ("Wurmloch Variationen") et improvisés (l'excellent "Heroin", en collaboration avec Ekkehard Ehlers, sur le label Staalplaat), sont marquants, réussis et incontournables.

Si la nouveauté du point de vue de l'auditeur, est ici d'être remué et tourmenté comme rarement, c'est que la manière même de travailler le son a changé. C'est en effet presque en qualité de producteur que Mathieu signe ce disque. Il abandonne quasiment le processus informatique pour en revenir à des manières plus classiques de production. Le groupe suédois Tape, trio que l’on pourrait se risquerà qualifier de jazzy, d'électro-acoustique et d’aventureux, ainsi que le saxophoniste Magnus Granberg lui ont livré des "sons" (une base musicale dite base de travail), qu'il a assemblés et auxquels il s'est contenté d'adjoindre d'éparses percussions, des field-recordings et sa perception éclairée de la musique.

Le résultat est étourdissant, fracassant même. Le seul morceau, d'une durée de trente deux minutes, est une pièce ambient poignante, féérique. Chaque note est à la fois imperçeptible et essentielle. Chaque silence l'est tout autant. Le saxophone devient magique, tout devient somptueux grâces aux cercles sonores, aux bruissements d'insectes, aux sifflements d'oiseaux. Et que dire des percussions qui bouleversent littéralement (après 18 minutes d'écoute) ?

Mathieu retraduit musicalement un univers onirique et majestueux, tout en orientant son travail vers de nouveaux horizons. Sublime.

STEPHAN MATHIEU, On Tape
(Häpna)

http://www.hapna.com