Avant
un concert confirmant la grande forme du trio new-yorkais, Matthew
Caws nous accorde quelques minutes et répond à nos questions dans
un français impeccable.
SDEP :Le
titre du nouvel album renvoie-t-il à l’idée d’un nouveau départ ?
Matthew :
Let go signifie ‘lache’. Lâche tes regrets par exemple. Je suis sûr
que tu en as. On en a tous. Par exemple, le regret de perdre des personnes…
Si tu lâches tout ça, ça peut te permettre de mieux vivre, de profiter
du bonheur d’être vivant.
SDEP :
Sur les pochettes des deux derniers albums il y a des petites bulles…
M :
Oui, en fait c’est le même artiste qui est à l’origine des deux
pochettes : Mark Ferguson. Il crée chacune de ses bulles à main
levée, s’autorisant uniquement à vingt coups de pinceaux pour fignoler
la bulle. Il prend un soin tout particulier à trouver la couleur qu’il
souhaite. On apprécie vraiment son travail.
SDEP :
Le fait de voir ces bulles de plus loin (plus loin que pour The
proximity effect) signifie-t-il que vous avez pris du recul sur votre
musique ?
M :
Peut-être, oui… mais ça peut également avoir un tout autre sens.
C’est ce qu’on apprécie avec les peintures abstraites.
SDEP :
Let go a été très bien accueilli en France, aussi bien pas la presse
que par le public. Sentez-vous que l’on vous attend au tournant, qu’il
y a une certaine pression sur vous.
M :
Je ne sais pas… le public est très réceptif. On a du bol. C’est
la première fois en trois ans que j’ai l’impression de bien utiliser
mon temps. J’ai été disquaire pendant quelque temps : j’aimais
ça mais je savais que ce que je voulais vraiment, c’était jouer. En
tous les cas, pour en revenir au public, on voit surtout les premiers
rangs, et souvent ce sont ceux qui sont les plus enthousiastes. Mais
les autres….on sait pas. On est content de ce début de tournée.
SDEP :
C’est pas trop ennuyeux de faire cette promo tous les soirs et d’avoir
les mêmes questions ?
M :
On oublie le côté routinier. On apprend à affiner nos réponses de
jours en jours et on apprend à être indulgent. Et puis, il faut être
humble quand on parle de soi et de son travail.
SDEP :
Mais il doit bien y avoir des questions énervantes ? Je pense
par exemple aux questions concernant Popular ?
M :
Non, c’est pas si lassant, ça fait partie de nous. Mais on a reçu
des tonnes de courrier, des e-mails etc pour savoir qui était la fille
dans le clip, si c’était possible de coucher avec elle. Ça, c’était
plus énervant….
SDEP :
Et c’est pas lassant de jouer tous les soirs ?
M :
On fait pas toujours le même set, mais si on a le même depuis
plusieurs semaines. D’ailleurs on trouve ça beaucoup mieux. Ça nous
permet de progresser chaque soir et de mieux profiter de ce qu’on
fait.
SDEP :
Qu’est-ce qui vous a amené à cette évolution vers plus de ballades
et vers plus de mélancolie, au moins dans les mélodies ?
M :
Ce fut naturel. Il y a des morceaux, notamment dans The proximity
effect, qui annonçait cette évolution, comme 80 Windows par exemple.
A la base on était un groupe de garage et comme tout groupe de garage,
on savait pas jouer, et surtout pas jouer des ballades. On avait peur
de faire ces chansons douces peut être parce qu’on avait peur de s’entendre.
SDEP :
Avez-vous écouté des disques qui depuis quatre ans vous ont fait évoluer ?
M :
J’ai écouté pas mal de country-blues, John Lee Hooker par exemple.
J’ai aussi passé une année entière à n’écouter que les Kinks, et leur
période dorée (1966-69) : c’est trop parfait. Pour ce qui est
récent, j’ai pas mal écouté les Grandaddy.
Mais
je reste un fan des Ramones, dont je découvre chaque fois de nouvelles
qualités.
SDEP :
Le mot surf dans votre nom est-il vraiment représentatif de votre
musique ?
M :
Parfois, je regrette d’avoir choisi ce nom, qui est incompris.
En fait, ça veut dire surfez sur le néant qu’on porte tous en soi
et passer plus de temps à rêver dans les nuages. On est tous dans
le même monde, mais la nuit on entre dans un monde personnel, très
entendu lui aussi, une sorte de néant impalpable.