Bookmark and Share

Une Interview avec CDBaby.com
Décembre 2004, Portland, Oregon
Questions : Valentin

         

[SDEP] Comment a commencé CDBaby.com?

[Alex Steineiger] Ça a commencé il y a à peu près six ans avec Derek Sivers. Il jouait le groupe Hit Me. Ils ont fait beaucoup de tournées, et ils vendaient leurs albums lors des concerts, mais ils n’avaient pas de distributeur alors il en a eu marre et a commencé son propre site Internet, avec un traitement pour carte de crédit, et c’est comme ça qu’il a vendu ses disques à partir de son site. Alors tous les jours il s’arrêtait à la poste pour envoyer ses commandes, et ses amis se sont vite rendu compte que le traitement pour carte de crédit était un atout, parce que tout ça se passe bien avant l’arrivée de paypal.com, et le paiement en ligne marchait vraiment bien. Les amis de Derek dans d’autres groupes ont commencé à vendre leurs albums en utilisant son système de vente en ligne, et au début c’était dix amis, puis vingt, et ça ne s’arrêtait pas. C’est à ce moment là que Hit Me se sont séparés et CDBaby, qui n’était qu’un hobby, est devenu son occupation à plein temps et ça a tout de suite marché. Il a engagé pas mal de monde, à ce moment là ils étaient à Woodstock dans l’État de New York, puis ils ont déménagé à Portland en Oregon, parce qu’il y avait pleins de hangars disponibles et beaucoup moins chers qu’à New York.

[SDEP] Comment est organisé le site aujourd’hui, parce qu’au départ c’est l’histoire d’un groupe d’amis qui vendent leurs disques en ligne, mais maintenant n’importe quel groupe ou artiste peut vendre son disque sur CDBaby?

[Alex Steineiger] En fait, il y a deux éditeurs en charge des disques que l’on reçoit. Ils écoutent chaque disque, puis les dirigent vers chaque sous-division, pop, classique, jazz, etc. Ce sont eux qui choisissent quels disques mettre en avant, et tout ce genre de chose. On accepte tout ce qu’on reçoit, on vend tous les albums sur le site, sans aucune sorte de limite de genre ou quoi que ce soit d’autre. Il suffit de payer $35 [environ 26 euros] et l’artiste est sur le site. Pour qu’un disque soit mis en avant sur le site il faut qu’il plaise à nos éditeurs tout de suite. Ils reçoivent cent albums par jour, ils écoutent le premier titre en entier et ne passent qu’environ 30 secondes/1 minute sur les autres titres de l’album, sinon c’est impossible de tout écouter. Après ils construisent des liens entre les artistes, si le groupe A, les fait penser aux groupes B, C, D, ils vont les mettre en lien sur le site.

[Gray Gannaway] Les artistes ont aussi la possibilité de délimiter leur genre quand ils s’enregistrent sur le site, s’ils pensent faire du Bob Dylan, ils peuvent être mis en lien avec Bob Dylan.

[SDEP] Est-ce que le fait d’être à Portland influence le contenu du site musicalement?

[Gray Gannaway] La plupart des groupes locaux savent qu’on existe et beaucoup sont sur le site, mais on peut trouver des disques dans tous les genres imaginables, et de pleins de régions différentes: on a des artistes d’Europe, d’Afrique, de partout en fait. On n'est pas axé sur la scène musicale locale, ni sur la scène musicale américaine, on vient de mettre en vente des artistes français, yougoslaves, on a un groupe du Zimbabwe… En tout il y a 78.000 artistes référencés, et on a environ 100.000 disques dans l’entrepôt.

[SDEP] Comment les artistes entendent-ils parler du site?

[Alex Steineiger] Les artistes ont le lien vers CDBaby sur leur site, et c’est essentiellement comme ça que ça se construit, grâce au bouche à oreille entre artistes. Les artistes voient le lien sur un autre site, où d’autres groupes leur en parlent et ils demandent à être sur le site.

[SDEP] Combien de sites similaires à CDBaby existe-t-il?

[Alex Steineiger] On a pas vraiment de concurrence, il existe deux, trois autres sites, mais on est bien mieux préparés qu’eux, parce qu’on a été les premiers à faire ce genre de site, et on est plus avancé, on a plus de savoir-faire!

[Gray Gannaway] Certains de ces sites sont complémentaires à ce que nous offrons, en étant spécifique à un genre ou en faisant plus d’efforts sur la promotion par exemple, mais ça fait sept ans qu’on est là et souvent les autres sites copient notre schéma de fonctionnement…sans forcément nous dépasser [rires].

[SDEP] Quelle différence existe-t-il entre CDBaby et insound.com?

[Alex Steineiger] Insound est beaucoup plus axé vers le marketing, ils ont un partenariat avec pichtforkmedia.com, ils se concentrent sur la musique indé. Une majeure partie des artistes présents sur notre site ne serait pas assez cool pour être vendue par Insound [rires]. J’ai visité leur entrepôt à New York, ce sont des vrais pros, mais quelqu’un qui aime le jazz ou le classique n’a aucune idée de leur existence, par contre, il se peut que cette personne connaisse CDBaby.

[SDEP] CDBaby, c’est une certaine idée de la liberté d’expression peut-être?

[Gray Gannaway] oui, vraiment. On aime pas forcément les disques qu’on vend ou le message de certains artistes sur un plan personnel, mais on ne pense pas que la musique doit se limiter à des artistes qui ont des gros contrats dans des maisons de disques richissimes, et qui peuvent financer des campagnes de pub ou payer un studio à leurs artistes.

[SDEP] Est-ce que vous voyez CDBaby comme une étape pour un artiste vers un label ou un distributeur plus connu, ou alors est-ce que les artistes peuvent distribuer toute leur production en restant sur le site?

[Alex Steineiger] Je ne pense pas vraiment qu’un artiste puisse être trop ‘gros’ pour CDBaby. N’importe qui peut l’utiliser à son gré. Quand Derek Sivers a commencé le site, il n’avait pas de distributeur, il a construit le site et il a vendu des milliers de disques comme ça. Les artistes peuvent contacter un label, leur montrer ce qu’ils ont accompli avec CDBaby et signer un plus gros contrat, c’est le cas de Jack Johnson qui a signé chez Universal et est devenu disque de platine avec eux. Un autre cas de figure, c’est un artiste qui avait une carrière intéressante avec un gros label, et puis ils ont voulu s’enregistrer sur CDBaby et ils ont vendu des milliers de disques via le site, et ils continuent à en vendre beaucoup, c’est le cas d’Alexi Murdoch. Il gagne autant d’argent en vendant 10.000 disques via notre site, qu’en en vendant 100.000 via une major.

[Gray Gannaway] Les artistes qui ont déjà eu des contrats importants avec des maisons de disque aiment beaucoup CDBaby et continuent de travailler avec nous. Ils ont une base de fan, et ils sont conscients que leur marge de profit en étant sur un label connu est quasiment nulle. En même temps, ce n’est pas du tout un problème pour nous si un groupe veut quitter CDBaby pour signer avec une maison de disque, ça va dans le sens du site: ouvrir plus d’opportunités aux artistes.

[SDEP] Quels sont les avantages du site pour les artistes?

[Alex Steineiger] On ne garde que $4 par disque, les artistes gagnent donc $10 par disque.

[Gray Gannaway] Le fonctionnement avec une grande maison de disque c’est souvent $3 par album, peut-être moins, et les artistes ne touchent de l’argent sur la vente de disques qu’une fois toutes les avances pour l’enregistrement ou autres sont remboursées. Beaucoup d’artistes ne vivent que sur ses avances et ne font jamais de profits sur les ventes de leurs disques, du moins tant que les ventes ne rapportent pas plus que les avances…

[SDEP] Quelles ont été les étapes dans le développement du site?

[Alex Steineiger] En ce moment il y a environ quarante-cinq employés à plein temps, et tout ça est arrivé progressivement. Notre meilleure promotion à été le bouche à oreilles entre artistes, mais on a eu beaucoup de presse aussi. Le magazine Esquire  a fait une page de reportage sur nous, mais on a jamais sollicité la presse, c’est seulement le résultat de notre développement, parce qu’on est présent sur les sites Internet d’artistes.

[Gray Gannaway] On essaye toujours d’améliorer notre service par rapport à l’idée initiale de CDBaby, à savoir de vendre des disques pour les musiciens indépendants, mais surtout on se garde bien de sauter sur n’importe quelle opportunité de développer notre offre avec les nombreuses innovations de l’industrie musicale, je pense aux sites comme itunes.com ou les sonneries pour téléphone par exemple. On utilise beaucoup le retour que l’on a de nos clients pour améliorer le site. Si un certain nombre de personnes font les même remarques ou ont les même idées pour développer le site, alors on va travailler dessus, surtout si l’idée vient des artistes eux-mêmes.

[SDEP] Comment réagissez-vous à toutes les tendances à télécharger la musique via les mp3s et d’autres formats?

[Gray Gannaway] C’est moi qui me charge du département pour tout ce qui est distribution numérique. En ce moment notre préoccupation est de marquer notre catalogue, avec une licence CDBaby. On est licencié sur iTunes, Napster, Rhapsody, MusicMatch, on est en négociations avec Liquid, on parle avec Walmart. On travaille avec plus de trente vendeurs de musique en ligne, aux USA et à l’étranger, tous distribuent des artistes CDBaby en ce moment, en téléchargement, en version stream ou autre. Tous nos artistes ne veulent pas forcément avoir leur musique disponible en téléchargement, notamment à cause des problèmes de piratage, mais ceux qui le souhaitent peuvent le faire, et on ne les fait pas payer plus. Quand un artiste s’inscrit sur le site, il paye une fois et après on peut vendre son disque, distribuer sa musique numériquement, ou les deux.

[SDEP] Vous n’avez pas de projets pour concurrencer iTunes ou lancer votre propre site de téléchargement?

[Gray Gannaway] Non, on en revient à la question sur notre développement. On nous demande souvent pourquoi on ne démarre pas un site spécifique pour la vente de musique en téléchargement, mais nous préférons faire une seule chose, et la faire bien, plutôt que de se disperser dans des projets complexes, où on ne sera pas les meilleurs. Ça nuirait à nos artistes, nos clients, et CDBaby en général. C’est la même chose avec la vente de billets de concerts. Notre truc c’est de vendre des disques, et de licencier les titres pour les sites de téléchargement.

[Alex Steineiger] On travaille constamment sur le site, on est en train de le reprogrammer, et en 2005 on va y ajouter de nouvelles fonctions, et de nouvelles possibilités pour le rendre plus facile à naviguer. Notre philosophie c’est d’améliorer le site et nos services, et d’aider les artistes. On veut rendre possible la vente de merchandising par carte de crédit aux concerts, encore une fois pour booster les ventes des artistes en tournée. On a un site jumeau Hostbaby.com, qui a été démarré par Derek Sivers aussi, qui aide les groupes à développer leur site internet.

[Gray Gannaway] Récemment il y a aussi un site qui a démarré pour les films, filmbaby.com, ils se sont inspirés de CDBaby, certains de nos employés travaillent avec eux.

 

Propos recueillis par Valentin


 

News | Labels | Sélection | Dossiers | Chroniques | Photos | Sons/MP3 | Netradio |Sommaire | Contact
C in a circle SoitDitEnPassantEntertainmentWorldwide company.