Une Interview avec Pandit G, DJ chez
ASIAN DUB FOUNDATION

Interview réalisée dans les loges du Bikini,
Toulouse, le 12 Décembre 98,
mollement avachis dans un canapé.



Le son d'ADF s'est durci... 
Bien, bien, c’est juste une évolution, l’influence de la scène, on apprend au fur et à mesure. On a l’occasion d’utiliser du nouveau matériel, d'apprendre de différentes personnes, différentes méthodes, donc le son se développe. On ne veut jamais avoir le même son, on ne veux jamais le même son sur deux albums. Il faut évoluer. Si tu sonne toujours pareil, tu deviens ennuyeux. 

Pourquoi avez-vous sorti deux titre sur une compilation 'Asians Vibes' (Universal music), alors que vous avez toujours méprisé l'appellation 'Asian Underground' 
Hum, ce n’est pas ça, pas du tout, non, non, écoutes, on a une attitude méfiante envers ce qui est étiqueté, appelé ‘Asian Underground’ parce que c’est largement une invention des médias. Il apparaît d’après plusieurs indicateurs que ce phénomène va disparaître avec une nouvelle génération d’artistes, dans laquelle nous nous inscrivons, s’imposant sur le devant de la scène. 
Ce qui est appelé ‘Asian Underground’ relève d’un besoin d’exotisme, d’une tentative de créer une musique exotique ; c’est arrivé avec le reggae, c’est arrivé avec toutes les musiques africaines, en particulier en Grande Bretagne. D’une certaine manière manière cette ‘exotisation’ est un visage du racisme. C’est comme les accessoires de mode, les blancs qui portent le troisième œil, tu vois… 
Il faut regarder ce qui sort aujourd’hui avec conscience que la presse musicale dira demain " L’Asian Underground, c’était l’année dernière ". C’est un vrai problème. Il faut garder l’esprit ouvert, on ne peut pas se cantonner à une catégorie, parce que c’est ce qu’ils veulent, et s’ils ne peuvent pas vous coller dans une catégorie il ne s’intéresseront pas à vous… et puis ils décideront de toute manière d’ oublier la catégorie… On ne peut pas accepter ce principe.
La deuxième chose c’est que ces appellations sous-entendent une uniformité ; toute la musique asiatique est la même… sans se soucier des diverses origines de chacun ; le continent indo-asiatique est tellement vaste, les migrations vers la Grande-Bretagne et l’Europe sont venues de différentes régions, différentes cultures, différentes langues, différentes religions…
C’est difficile de définir ce qu’est le nouvel ‘Asian Underground’, c’est tout, ils nous appellent Underground parce qu’ils veulent nous cantonner dans l’Underground. Nous, nous nous appelons le nouvel ‘Asian Overground’. C’est un mépris de l’histoire, pour nous le son ‘Asian Underground’ est arrivé il y a 20/25 ans avec le Bangra qui était une fusion, si tu veux, ou un mix entre la musique punjabi traditionnelle, une musique folk vieille de plusieurs siècles, avec ce qui se passait à ce moment-là, le Rock.
Ca, pour nous, a été toujours négligé, toute cette histoire, tous ces groupes de Bangra ont vendu des millions de disques de part le monde, certifiés platine partout ; en Grande-Bretagne ils ne sont même pas reconnus comme ayant existés, alors que cette musique a été précisément faite en Angleterre. Quand on a joué il y quelques années à Lyon, il y avait un blanc qui jouait des disques de Bangra, et on a vu ça dans d’autres clubs où on est passés, tout le monde était fou de cette musique, ils adoraient. Ca montre que tout le monde ailleurs aime cette musique. En Angleterre cette musique n’a eu aucun écho, avec le nouvel ‘Asian Underground’ il faut faire tomber ses barrières, pour aller vers quelque chose de plus large et réaliser que l’Asie a toujours été présente dans le courant principal de la musique, qu’elle a toujours été là. C’est juste une idée commerciale qui a toujours été vendue avec l’‘Asian Undergound’.

Vous avez sorti votre premier album en Angleterr l'année dernière...
On a fait notre première sortie avec ‘Fact and Fictions’ en 95, très vite on a beaucoup tourné, et notre musique n’était pas distribuée ; on ne pouvait pas trouver nos disques dans les magasins. Les gens achetaient ‘RAFI’ en import français, dans la rue ou j’habite, où on a enregistré.
Et relativement très vite, avec des gens comme PRIMAL SCREAM qui nous apporté beaucoup de crédit, l’industrie du disque a commencé à nous écouter, mais l’industrie de la musique en Angleterre est extrêmement conservatrice, elle n’aime pas la nouveauté. Ils ne s’intéressent aux choses que plus tard, et ils essayent que plus tard, et il essaient de les redéfinir, comme le Hip Hop au début des années 80, dont personne ne voulait entendre parler, et maintenant toute le monde saute sur le Big Beat qui est ni plus ni moins une réinvention du premier Hip Hop, electro.
Tu vois, à moins qu’ils puissent contrôler la musique, ils ne veulent pas la connaître. Je suppose que c’est vrai dans tous les pays européens, mais en particulier en Grande-Bretagne. La Brit Pop, c’est le parfait exemple ! Tu vois de quelle merde je parle…

Qu'est ce que tu penses du label Outcaste...
Ils ont sorti quelques bonnes choses récemment. Ils sont plutôt orienté Club, je crois qu’une des premières soirées qu’on a faite s’était avec eux, en tant que DJ. Il ne sont qu’un labels parmis tant d’autres, on pourrait parler d’On U Sound ou d'un autre juste parce qu’ils son très ‘Asian’. Ils ont quelques bon morceaux, " Gee ... " je ne me souviens plus, je les ai là-haut. J’aime bien BADMARSH & SHRI, tout ça… 

ZEBDA, les FABULOUS…   
Je ne sais pas ce qu’ils font, les FABULOUS TROBADORS sont en tournée, ZEBDA je ne sais pas… ils jouent à Toulouse, la semaine prochaine.  

La 1ère partie de ce soir...  
Un groupe qui s’appelle CLOTAIRE K, c’est un groupe de Hip hop, de rap… Je crois que le chanteur, Clotaire, est en fait libanais. Je ne me souviens comment on est rentrés en contact avec eux, je pense que c’est par l’intermédiaire de notre tourneur. Ils ont joué avec nous hier, c’était excellent. A la fin, ils sont venus jouer " Witness " avec nous. Ils ont eu droit a des rappels. J’aime la manière dont ils associent des sonorités traditionnelles du Moyen-Orient avec le son hip hop. C’est brillant, très bon, très efficace. C’était très bien hier, à Nantes.  

PRIMAL SCREAM...  
Oui, ils ont fait le mix (NDT : de 'Free Satpal Ram'), et également un mix de ‘Buzzin’’ par Brendan Lynch (NDT : producteur du dernier PRIMAL SCREAM ). C’était pour la sortie anglaise de ‘RAFI’s revenge’, une nouvelle version de RAFI.  

ZEBDA remix...  
On a fait le remix de ‘Toulouse’, et au début de l’année, les FABULOUS TROBADORS sont venus pour travailler avec nous, en janvier, chez ON-U-Sound, deux chansons. Je pense que c’est sorti sur leur album, le dernier sorti.  

D'autres groupes...  
Hum, AUDIOACTIVE, avec qui on a tourné en France au début de l’année. Ils ont fait un remix de ‘culture move’ dans un style vieux reggae, très bon, on aimerait faire un remix pour eux.  
On a travaillé avec une organisation appelée " the Fire next time ", une sorte de groupe multimédia canado-américain qui milite pour la justice et le civisme. Cet album contient des chanson de Lee Perry, il s’appelle ‘Dancing on John Mazy‘s head ". Il y a des chansons avec Lee Perry, Mad Professor, Adrian Sherwood…  
Il fait référence à un Black Panther, un activiste des 60ies et 70ies recherché pour meurtre par le FBI. Il a été emprisonné en 69 après avoir été condamné pour le meurtre d’un soldat. Il s’est évadé, il est à Cuba maintenant,. Les américains désespèrent de le récupérer pour poursuivre sa peine ou je ne sais quoi… Ils ont mis 100 000$ de récompense sur sa tête. Quand le pape est allé à Cuba, ainsi que Madeleine Albright de l’US foreign je ne sais quoi, ils ont tous les deux requis la normalisation du processus avec Cuba, et son extradition en est une condition. 
C’est une chose importante aujourd’hui à laquelle s’intéresser, et c’est un autre exemple de mépris complet des principes des droit de L’Homme aux USA. 
C’était une bonne collaboration, ces projets en valent la peine. On pourrait travailler et faire des remix pour beaucoup de groupes, il y a toujours beaucoup de monde qui veut des remix ou de collaborations, mais toutes ne sont pas appropriées. Pour être honnête, ça marche toujours mieux avec des groupes qu’on rencontre, qu’on aide… et il en ressort quelque chose de nouveau… comme CLOTAIRE K ou ISLAMIC FORCE à Berlin. On a suffisamment d’artistes avec qui on voudrait travailler dans la Communauty Music à Londres ; il n’y a pas assez d’heures dans la journée… 

50ème anniversaire de la déclaration Universelle des Droits de l'Homme... 
Oui, on a joué à Bercy, c’était très bien, on voulait attirer l’attention du public sur l’affaire ‘Satpal Ram’… A cette occasion, tous les médias étaient réunis, on a eu des interviews avec Reuter, CNN, toutes ces grandes agences. C’était une opportunité d’attirer l’attention des gens sur ces affaires. On espère avoir étés entendus, c’est pourquoi, pour nous, faire ce concert était très important. 
Une autre chose importante est de montrer que le problème des droits de l’Homme ne se trouve pas que dans le tiers monde, il se trouve se le pas de nos portes, en France, aux Etats-Unis, en Grande Bretagne, à travers toute l’Europe. On vit dans une société où il est admis qu’avec le modèle américain ou occidental, les droits de l’Homme sont garantis alors que dans tout le tiers monde ils ne le sont pas ; ce qui est faux ! 

Le Dalaï Lama...
Ila fait un discours, il n’a pas chanté ni rappé ou quoi que ce soit…  
Personnellement, je ne sais pas ce qu’en pense chacun dans le groupe ; mon opinion personnelle est qu’il n’y a pas de mouvement non-violent, ce n’est qu’un mythe qu’affirmer que l’Inde a été libérée par l’action de Gandhi, et ce n’était pas un mouvement non-violent. 
La libération, comme la libération Algérienne, n’est pas, et à aucun niveau un processus non-violent. 
C’est une erreur de discours, une affirmation que je combats. 
La colère génère toujours la violence. Toute cette philosophie n’a pas de sens, c’est agréable a entendre, mais ce n’est pas la réalité. Mais bon, c’est un porte parole pour les autorités tibétaines, mais ce n’es tps quelqu’un que je serais intéressé d’écouter. 

BEASTIE BOYS 
Je me félicite que des gens agissent, les BEASTIE BOYS font beaucoup. Mais, même avec eux à qui on a parlé… parfois, il semble que c’est plus facile de s’occuper de pays éloignés et exotiques, là-haut dans les montagnes, avec ces moines bouddhistes… et de pas prêter attention à ce qui se passe devant sa propre porte. 
Et puis, les gens ont une fausse idée des moines bouddhistes ; alors que ce soit au Sri Lanka, en Malaisie, ou autre part, le Bouddhisme n’est pas la même chose. Les gens pensent que c’est la même idéologie, ils pensent " oh, ces moines bouddhistes ont si pacifiques ! ! ", alors que chaque religion a ses mouvements répressifs, et c’est aussi vrai avec le bouddhisme qu’avec une autre religion. 
Personnellement, étant athée, je n’ai rien à voir avec tout ça… enfin, l’action des BEASTIE BOYS en Amérique est importante. Les Etats-Unis, sont un pays protectionniste et xénophobe, aussi, tout ce qui aide les gens, en particulier les jeunes à s’ouvrir au reste du monde est positif, je ne le nie pas, mais il faut prêter attention à tous les problèmes. Je suis sûr qu’il y a assez de monde aux USA qui regardent vers la Chine comme vers l’ennemi de la prochaine guerre froide et voir que c’est lié à d’autres phénomènes, y compris la CIA intervenant en Chine. 
Et il y a des tas d’autres sujets, c’est pourquoi on ne peut pas tout approuver inconditionnellement. La véritable chose la plus importante, c’est à propos des ressortissants des pays asiatiques en Amérique, ce qui arrive aux coréens, à toutes ces communautés, et ne jamais oublier ce qui est arrivé au shintoïstes, aux bouddhistes en Amérique, internés, enfermés dans des camps… et les japonais, les japonais d’Amérique pendant la seconde guerre mondiale et après. Il y a beaucoup de contradiction comme ça… 
Mais bon, bravo les BEASTIE BOYS, c’est bien. Notre approche a toujours consisté à lutter localement. C’est le plus important, ça doit être le point de départ. On ne peut pas chercher la liberté dans le monde quand il n’y a pas de liberté dans son propre monde. Et il n’y en a pas ; pas pour chacun. 
 

Quels résultats obtenez vous... 
On ne fait que soulever des problèmes, et les gens s’y intéressent ou pas ; l’affaire ‘Satpal Ram’ en faisait partie, le public s’est engagé. Les gens sont au moins avertis, conscients du problème, ils ont écrit, signé des pétitions. C’est un résultat, c’est déjà ça. On n’est qu’un petit groupe dans ce grand monde. Tout ce qu’on peut faire est soulever des problèmes et voir ce qui suit, mais il faut réaliser que le Rock’n Roll seul ne résoudra pas tout. On ne peut pas substituer le rock à de véritables mouvements populaires. Pourtant, beaucoup le croient… 
Cela devient flagrant avec Live Aid, on dit " Live Aid a permis de nourrir le monde… ", et 10-15 ans plus tard, il y a toujours la famine au Soudan, en Ethiopie, ou en Somalie. Souvent les gens croient que la famine a été réglée en 83, ou je ne sais quand, par Live Aid, il y a eu beaucoup de dons, mais on n’a pas mis en place es structures pour maintenir une situation ou les peuples pourraient recevoir l’aide dont ils ont besoin. 
Il y a quelque chose à noter, à propos de la charité, une définition qu’on a inventée aujourd’hui, très européenne, occidentale : l’Afrique, les africains et le tiers monde sont des victimes. C’est une image qui a été maintenue et entretenue et qui sert de couverture à l’interventionnisme de l’ouest dans le but de les saigner jusqu’à la moelle, comme au temps du colonialisme. Les multinationales et les pays du G8 ont prélevé des sommes énormes au nom d’aides et sont les véritables causes des guerres civiles sur toute la côte ouest de l’Afrique. La situation au Nigeria est créée par Shell, BP, et les autres compagnies pétrolières qui littéralement utilisé le Dollar et la Livre pour créer la corruption. Voilà ce qui est arrivé. 

Vous arrivez à rester optimistes...
Bien sûr ! Absolument, on est optimistes., sinon on ne s’occuperait de rien ; on resterait à la maison. Bien sûr on est optimistes, rien n’est figé pour toujours. Revolution is round the corner, Peace is the wind. C’est ce qui fait que le monde est bien réel. C’est pourquoi il faut faire le boulot localement car c’est un problème à long terme auquel il n’y aura pas de solution à court terme. Chaque petite victoire, nous redonne confiance, et inspire les autres… On gagne aussi en optimisme avec les résultats des actions des autres. 

  Propos recueillis et traduits par Pierre Priot pour " Soit dit en Passant "
et Radio FMR Toulouse.

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  • Des photos prises lors de ce concert au Bikini

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