Pierre
vous raconte son Benicassim 2002 (part
3/3)
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Dia 6 - Dimanche/Domingo
Dimanche, et on commence à
donner des signes de faiblesse.
La journée débute par une sieste dans la voiture,
garée dans un tunnel, la clim à fond.
Puis lecture, avec l'édition
2002 de DanceDeLux.
DanceDeLux est un précieux magazine annuel consacré
au monde lumineux de la culture électronique moderne.
Il s'agit d'un hors série publié par le mensuel
RockDeLux, sorte de compromis espagnol entre Rock'n Folk et
Magic!.
Chaque année, la rédaction réussit l'exploit
de pondre, forcément bien avant le printemps, un bilan
annuel définitif ; bien qu'interpolé de l'observation
des premiers mois et de l'épluchage des communiqués
de presse des maisons de disques.
Et les bougres sont rarement faux.
2002 est ainsi réduite à ce schéma :
triomphe de l'electronica/intelligent techno ouvragée
au laptop d'une part et revival 80ies, folie electro de l'autre.
Voilà septembre, et qui peut nier l'écrasante
vérité de ce postulat?
RESPECT DanceDeLux. Noter également l'infinie élégance
de la mise en page du magazine, véritable objet collector
doublé d'un CD compilé avec bonheur.
www.rockdelux.es
La
journée de festival stricto senso commence sur le tard,
à la nuit tombée pour un nouveau rendez-vous
avec DOMINIQUE A.
Comme la plupart des artistes français distribués
en Espagne par Green Ufos
DOMINIQUE A bénéficie auprès
du public espagnol d'une notoriété stupéfiante,
bien supérieure à celle que peut imposer par
exemple MIGALA en France (pour ne citer que le plus
proéminent des artistes indés ibères
trouvables - hors import - dans les bacs français).
Lorqu'on assiste à un concert de DOMINIQUE
A en Espagne, voire de FRANçOIZ BREUT,
il ne faut pas s'étonner d'entendre le public reprendre
les paroles en chœur, bien mieux que ne le ferait un parterre
de français.
DOMINIQUE
A n'en est plus à ses débuts au fib,
seul ou accompagnant FRANçOIZ BREUT, il cumule
à ce jour quatre visites. Tout comme BELLE &
SEBASTIAN samedi, il se voit gratifié cette année
de la grande scène et d'un public certainement plus
fourni que jamais.
A la différence des écossais, DOMINIQUE
A assume parfaitement cette promotion et produit un
excellent concert. Il sert la quasi intégralité
de son dernier "Auguri" avec une violence inouïe doublée
d'une intensité dramatique et émotionnelle aussi
palpable que le formica des tables du 22 bar.
"22 bar" exécuté en fin de set,à la première
puis troisième personne du singulier. DOMINIQUE
A se réapproprie son tube pour mieux l'interpréter
dans le style abstract boogie dont il est désormais
le pape. DOMINIQUE A
c'est un petit peu comme si l'orchestre du roadhouse de Twin
Peaks se mettait à chanter en français. Délicieusement
écorché et twisted.
Ce soir, on ne bouge pas, on
reste devant la grande scène, on attrape un siège
et on ne le lâche plus…
Suivent
BLACK REBEL MOTORCYCLE CLUB,
ou l'apparition scénique d'une hype de longue date.
Ca fait tout de même un bout de temps qu'on entend parler
de ces types et on a bien envie de les voir enfin, et surtout
de les entendre sur scène.
Si leur disque est distribué en Europe depuis fin 2001,
il est connu du public US depuis presque un an de plus. Leur
gloire locale s'est installée sur quelques autoproduits
et de bons concerts, en particulier west coast. Les types
sont de San Francisco.
Le public rock indé US se les approprie vite, ils sont
adoptés de Los Angeles à Portland, des fans
du BRIAN JONESTOWN MASSACRE à ceux des DANDY
WARHOLS.
Aussi, leur nom a pas mal
circulé pendant les deux dernières années
et on est content de pouvoir enfin croiser leur route, la
qualité de leur album laissant nourrir de grandes espérances
quant au concert à venir.
On n'est pas déçus.
Mais alors pas du tout.
A trois seulement, ces
types arrivent à produire un boucan énorme,
riche et cohérent.
Depuis longtemps on n'avait pas vu la formule guitare/basse/batterie
être aussi brillamment incarnée. BRMC,
tout style mis de coté, soutient la comparaison avec
les PLACEBO des débuts ou NIRVANA. C'est
dire, si c'est bon, fort et musclé.
Et puis juste sombre comme il faut, avec ces délicieuses
petites impressions de JESUS & MARYCHAIN.
Après ça THE
DOVES, ça ne vaut pas tripette.
The show must go on, on ne s'arrête
pas là, on expédie l'ensemble dramatico-glamrock
SUEDE sur les planches. La bande à Brett Anderson,
ça produit toujours le même effet. Maintenant
tout au moins, en 94, je dis pas, c'est une autre histoire…
mais dans les années 2000, SUEDE a une crédibilité
dont l'espérance de vie ne dépasse pas les 10
minutes. Ce qui est déjà pas mal en soi. Trois
chansons. Pendant tout ce temps, ces dix précieuses
minutes, c'est tout simplement magique. On est émerveillé
par la présence solaire d'un Brett Anderson qui saute
partout, se cambre, se convulse. Bouge finalement.
Au delà de cette durée fatidique, le charme
cesse d'opérer et Anderson à l'air d'un Mick
Jagger d'opérette, aussi crédible qu'un nazi
dans un film de Gérard Oury.
On s'ennuie ferme.
Heureusement pour combattre l'ennui,
THE CHEMICALS BROTHERS apparaissent à leur tour
sur scène, accusant un retard monumental. Il faut préciser
que bien qu'ils ne soient que deux, ils parviennent à
transformer leurs apparitions scéniques en gigantesques
déménagements, véritables exhibitions
d'écrans et de vidéo-projecteurs.
On patiente, donc. Et lorsque les frères montent sur
scène, à défaut de les voir, on les entend!
Et on prend une grande baffe dans la gueule. Le beat est là,
ne le cherchez plus, ils l'ont dans leurs bagages, partout
avec eux.
Riches d'une large discographie
- quatre albums, plus des remixes par brouettes entières
- les CHEMICALS BROTHERS piochent allégrement
dans tous les poums, les tchaks, les beeps et les "come on
yo!" de ce catalogue. Autant dire qu'ils passent leur propre
œuvre à la moulinette. Les titres s'enchaînent
avec une facilité démoniaque - en autant de
cross-overs irrésistiblement étonnants et dansables.
Ils sont très très
forts, et nous mettent à genoux. A genoux.
Il
est vraiment tard et tout le monde attend AIR
pour se finir. Il est tout de même près de 5
heures du mat'. Les frissons ne sont pas loin.
AIR,
vraiment tout le public les attend. Les espagnols ont absorbé
leurs albums comme on gobe un aspirine après une soirée
bien arrosée ; avec une confiance et un abandon inébranlables.
C'est sans doute pour ça que peu auront été
déçus, pêchant par excès de conviction.
Car il y avait vraiment
de quoi être TRES déçu. Jean-Benoît
et Nicolas ont massacré tout leur répertoire.
Souvent faux et rarement dans le temps, les deux versaillais
ont prouvé si il était encore nécessaire
qu'ils étaient bien meilleurs auteurs-producteurs qu'interprètes.
Un MASSACRE.
Après une telle déconvenue,
la fuite s'impose. Fin de ce dimanche.
Dia 6 - Lundi/Lunes
Le lundi à Benicassim
est traditionnellement une journée consacrée
à se remettre, à dormir et panser ses plaies.
Pour ceux qui tiennent encore
debout le soir, il reste l'éventualité de la
fiesta de clôture, sorte d'absurde rave sur la plage.
Les plus fatigués peuvent se contenter de se traîner
jusqu'à une terrasse de restaurant pour profiter, la
bouche pleine et le cul dans un coussin, du feu d'artifice
final.
Précisons que ledit feu d'artifice est tiré
en pleine rue, pour ainsi dire à bout portant dans
le public. Et ce pendant une demi-heure.
En France, 30 secondes de ce genre de pratique signifierait
l'immédiate mise derrière les barreaux du maire
de la ville. Espagne, pays magique.
Le festival se termine dans la
sangria et les tirs de fusées. Tout va bien.
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