SDEP
- FMR : Dans ce cas on va commencer avec une question verte, une question
de littérature française, en français ?
FB : Littérature… hum… mon auteur préféré
est Samuel Beckett, qui était un français et pas des
moindres, malgré ses origines irlandaises. Il était
ici pendant la grande guerre, pendant la résistance ! (en
français) dormant dans des poulaillers, dans la paille avec
sa compagne… travaillant pour la résistance, combattant les
collaborateurs !
Un autre de mes français préféré, originaire
lui aussi d'un autre pays, mais qui vint en France… c'est bien sûr
Jacques Tati, de Belgique, mais en fin de compte tous les grands artistes
français commencent ailleurs et viennent en France parce qu'ils
savent où se trouve le meilleur… et… ils deviennent français.
C'est chouette, Johnny Holiday, Belge aussi…
SDEP - FMR : Vous aimez Johnny Holiday?
FB : Je ne l'ai jamais vraiment écouté.
Je vois ses cassettes sur les arrêts d'autoroutes, aux stations
services, aux péages…
SDEP - FMR : Céline Dion, Canadienne…
FB : Oh Céline Dion, elle a déménagé
ici?
SDEP - FMR : non, mais elle nous rend visite très souvent.
FB : Ah !! On regrette de ne pas pouvoir venir à
chaque tournée. On adore tourner en France.
SDEP - FMR : Depuis votre précédente tournée
française (1996) vous avez enregistré deux albums avec
les 'Catholics', comment votre son a-t-il évolué?
Très simplement, vous savez il y a quelques années
j'enregistrais en 16 pistes, 24 pistes, 48 pistes ou en numérique
aujourd'hui c'est infini, mais nous avons enregistré en deux
pistes, stéréo : gauche et droite live, complètement
live. Donc le son change quand on joue live.
SDEP - FMR : Qu'est ce qui vous a décidé a enregistré
en 2 pistes?
FB : Un accident
SDEP - FMR : Lequel?
FB : On a fait une démo, une démo live très
vite, en quatre jours. Et… on s'est dit, hum, bon son, ça nous
ressemble, voilà la voie! voilà la vérité!
voilà la lumière!
Ok? Une expérience spirituelle.
SDEP - FMR : Comment avez vous connu le cinéma de Tati,
au point d'en écrire une chanson? Tati n'est pas très
connu aux USA.
FB : Mais si, il est connu bien sûr! Il n'est connu
des gens qui ne regardent pas de vieux films, mais pour les gens qui
s'intéressent au cinéma Jacques Tati est très
célèbre, sûr! On connaît 'Les vacances
de Monsieur Hulot', 'Mon oncle'. On peut voir 'mon Oncle'
à la télé chaque année, il repasse sur
la chaîne de l'art, avec les films d'auteur. Il a des fans,
mêmes aux States.
SDEP - FMR : Etes vous un 'couch patato'?
FB : Oui, ça m'arrive de temps en temps, pas en
ce moment… parfois oui, parfois non.
La télévision a un grand potentiel, mais n'atteint jamais
ce potentiel, vous voyez, elle n'y arrive jamais; elle l'effleure
parfois. Mais généralement non, malheureusement. C'est
très intéressant, ça l'a toujours été
depuis l'age d'or de la télévision dans les années
50. 1950 représente l'age d'or de la télévision.
Ces sont les meilleurs shows, personne n'a jamais rien écrit
d'aussi bons qu'aux 50ies.
Le début était vraiment l'instant, l'Instant, mais depuis
ça n'a jamais été égalé.
La télévision en direct!
SDEP -FMR : Vous êtes un grand fan de David Lynch
FB : Oui, il y a eu des passages de ma vie où j'étais
très intéressé par ce qu'il faisait. Je ne connais
par pour autant tous ses films mais j'en connais certains très
bien.
SDEP - FMR : Votre préféré est 'Eraser head'?
FB : Bien sûr, pour un jeune étudiant envisageant
une carrière d'artiste, ou d'écrivain, de musicien,
aller un samedi soir, à minuit voir 'Eraser head'… C'est un
film marquant, c'est plus qu'un film d'art d'université, c'est
plus ça. It's pretty damn good!
SDEP - FMR : Si bon que vous avez repris une chanson du film
FB : Oui, la chanson 'In heaven' de Peter Ivers qui a
écrit la musique. Mon guitariste a travaillé avec ce
type, qui est mort depuis, il a été tué. On a
une chanson qui parle précisement de lui, et d'un autre type
d'Eraser head', Jack Nance qui est également mort il y a deux
ans. Il a été tué à Los Angeles, les deux
ont été tués. Donc nous avons une chanson sur
le premier album des 'Catholics' appelée 'I gotta move' qui
est vraiment à propos de Peter Ivers et Jack Nance, deux personnes
qui ont été tuées à quinze ans d'écart,
mais qui avaient tous les deux un lien avec ce film 'Eraser head'.
Enfin, Jack Nance s'était vraiment engagé dedans, ses
cheveux, cette coiffe, cette coupe géante pendant cinq
ans! Ils ont tourné le film pendant cinq ans; un film indépendant
prend beaucoup de temps à réaliser… cinq ans, c'est
dingue, dingue.
Peter Ivers, l'auteur de la chanson d'Eraser head', le theme 'Lady
in the radiator' (il se met à chanter) In heaven, everything
looks fine… la rumeur affime qu'il a été tué
parce qu'il était homosexuel et Jack Nance on dit anglais never
take shit from anybody il était toujours prêt à
se défendre, et à Los Angeles il y a deux ans, à
Pasadena, il était dans un magasin de donuts et deux jeunes
délinquants ont essayé de lui chercher la merde. Jack
Nance était un espèce de vieux type alcoolique, il a
essayé de se battre avec ces deux jeunes types et il l'ont
rossé. Il était mort le lendemain. Il n'a pas survécu
Parfois ces évènements sombres ont une influence sur
vous, ça ne rend pas Jack Nance plus heureux, ni Peter Ivers,
mais ça me fais du bien parce que le fait d'entendre parler
me fait écrire une chanson dessus. Je dis pas 'puisse quelque
chose de bon en ressortir', ce serait un cliché mais
ça vaut la peine d'y réfléchir. C'est quelque
chose qui mérite qu'on y pense.
'The last stand of Sazeb Andlib' c'est à propos d'un Pakistanais
qui était dans la même école que moi quand j'étais
jeune. Il y étais plusieurs années plus tard quand j'étais
plus vieux. J'ai lu son histoire dans les journaux, un jeune gars
d'origine Pakistanaise d'autres gamins, certainement une bande, à
L.A. ont commencé à chercher la merde. Il était
fier, comme Jack Nance, he would'nt take any shit from anybody.
Et ainsi… il a été battu si violemment qu'il est mort.
C'était il y a quatre ans, à Narbonne. Pas en France,
le nom de l'école où je suis était Narbonne High
School en Californie, à Los Angeles. Je n'aime pas écrire
à propos de sujets si tristes.. je sais pas si ça amène
quoi que ce soit, ou si le monde en ressortira meilleur… C'est bien
de pouvoir être inspiré par des événements
tristes parfois.
SDEP - FMR : Quelle est l'origine de votre nom de scène,
Frank Black / Black Francis?
FB : Bon… la raison d'être de ce nom comme surnom ou nom
de scène c'est le principe même du nom de scène
comme Johnny Holiday ou n'importe quel autre… avoir un nom pour son
art… c'est un héritage. Par exemple aux Etats unis beaucoup
d'artistes, comme les chanteurs de blues ou de jazz. Ces types, ces
bluesmen noirs avaient toujours un nom de scène. Il se débarrassaient
du nom qui leur avait été donné, et ils avaient
un nouveau nom, personnel. Je ne sais pas si c'est l'origine des noms
de scène dans le reste du monde mais aux Etats-Unis c'est enraciné
quelque part entre le Jazz et le Blues.
Dans mon cas, je sais vraiment pourquoi… si ça marche pour
Iggy Pop et Little Richard, pourquoi pas pour moi?