Une Interview avec
Frank Black

Interview réalisée dans les studios de Radio FMR, Toulouse,
le 03 Mai 99.


Frank Black (en anglais) : On peut faire l'interview en français, aucun problème !

SDEP - FMR : Dans ce cas on va commencer avec une question verte, une question de littérature française, en français ?
FB : Littérature… hum… mon auteur préféré est Samuel Beckett, qui était un français et pas des moindres, malgré ses origines irlandaises. Il était ici pendant la grande guerre, pendant la résistance ! (en français) dormant dans des poulaillers, dans la paille avec sa compagne… travaillant pour la résistance, combattant les collaborateurs !
Un autre de mes français préféré, originaire lui aussi d'un autre pays, mais qui vint en France… c'est bien sûr Jacques Tati, de Belgique, mais en fin de compte tous les grands artistes français commencent ailleurs et viennent en France parce qu'ils savent où se trouve le meilleur… et… ils deviennent français. C'est chouette, Johnny Holiday, Belge aussi…
SDEP - FMR : Vous aimez Johnny Holiday?
FB : Je ne l'ai jamais vraiment écouté. Je vois ses cassettes sur les arrêts d'autoroutes, aux stations services, aux péages
SDEP - FMR : Céline Dion, Canadienne…
FB : Oh Céline Dion, elle a déménagé ici?
SDEP - FMR : non, mais elle nous rend visite très souvent.
FB : Ah !! On regrette de ne pas pouvoir venir à chaque tournée. On adore tourner en France.

SDEP - FMR : Depuis votre précédente tournée française (1996) vous avez enregistré deux albums avec les 'Catholics', comment votre son a-t-il évolué?
Très simplement, vous savez il y a quelques années j'enregistrais en 16 pistes, 24 pistes, 48 pistes ou en numérique aujourd'hui c'est infini, mais nous avons enregistré en deux pistes, stéréo : gauche et droite live, complètement live. Donc le son change quand on joue live.
SDEP - FMR : Qu'est ce qui vous a décidé a enregistré en 2 pistes?
FB : Un accident
SDEP - FMR : Lequel?
FB : On a fait une démo, une démo live très vite, en quatre jours. Et… on s'est dit, hum, bon son, ça nous ressemble, voilà la voie! voilà la vérité! voilà la lumière!
Ok? Une expérience spirituelle.

SDEP - FMR : Comment avez vous connu le cinéma de Tati, au point d'en écrire une chanson? Tati n'est pas très connu aux USA.
FB : Mais si, il est connu bien sûr! Il n'est connu des gens qui ne regardent pas de vieux films, mais pour les gens qui s'intéressent au cinéma Jacques Tati est très célèbre, sûr! On connaît 'Les vacances de Monsieur Hulot', 'Mon oncle'. On peut voir 'mon Oncle' à la télé chaque année, il repasse sur la chaîne de l'art, avec les films d'auteur. Il a des fans, mêmes aux States.
SDEP - FMR : Etes vous un 'couch patato'?
FB : Oui, ça m'arrive de temps en temps, pas en ce moment… parfois oui, parfois non.
La télévision a un grand potentiel, mais n'atteint jamais ce potentiel, vous voyez, elle n'y arrive jamais; elle l'effleure parfois. Mais généralement non, malheureusement. C'est très intéressant, ça l'a toujours été depuis l'age d'or de la télévision dans les années 50. 1950 représente l'age d'or de la télévision. Ces sont les meilleurs shows, personne n'a jamais rien écrit d'aussi bons qu'aux 50ies.
Le début était vraiment l'instant, l'Instant, mais depuis ça n'a jamais été égalé.
La télévision en direct!
SDEP -FMR : Vous êtes un grand fan de David Lynch
FB : Oui, il y a eu des passages de ma vie où j'étais très intéressé par ce qu'il faisait. Je ne connais par pour autant tous ses films mais j'en connais certains très bien.
SDEP - FMR : Votre préféré est 'Eraser head'?
FB : Bien sûr, pour un jeune étudiant envisageant une carrière d'artiste, ou d'écrivain, de musicien, aller un samedi soir, à minuit voir 'Eraser head'… C'est un film marquant, c'est plus qu'un film d'art d'université, c'est plus ça. It's pretty damn good!
SDEP - FMR : Si bon que vous avez repris une chanson du film
FB : Oui, la chanson 'In heaven' de Peter Ivers qui a écrit la musique. Mon guitariste a travaillé avec ce type, qui est mort depuis, il a été tué. On a une chanson qui parle précisement de lui, et d'un autre type d'Eraser head', Jack Nance qui est également mort il y a deux ans. Il a été tué à Los Angeles, les deux ont été tués. Donc nous avons une chanson sur le premier album des 'Catholics' appelée 'I gotta move' qui est vraiment à propos de Peter Ivers et Jack Nance, deux personnes qui ont été tuées à quinze ans d'écart, mais qui avaient tous les deux un lien avec ce film 'Eraser head'. Enfin, Jack Nance s'était vraiment engagé dedans, ses cheveux, cette coiffe, cette coupe géante pendant cinq ans! Ils ont tourné le film pendant cinq ans; un film indépendant prend beaucoup de temps à réaliser… cinq ans, c'est dingue, dingue.
Peter Ivers, l'auteur de la chanson d'Eraser head', le theme 'Lady in the radiator' (il se met à chanter) In heaven, everything looks fine… la rumeur affime qu'il a été tué parce qu'il était homosexuel et Jack Nance on dit anglais never take shit from anybody il était toujours prêt à se défendre, et à Los Angeles il y a deux ans, à Pasadena, il était dans un magasin de donuts et deux jeunes délinquants ont essayé de lui chercher la merde. Jack Nance était un espèce de vieux type alcoolique, il a essayé de se battre avec ces deux jeunes types et il l'ont rossé. Il était mort le lendemain. Il n'a pas survécu
Parfois ces évènements sombres ont une influence sur vous, ça ne rend pas Jack Nance plus heureux, ni Peter Ivers, mais ça me fais du bien parce que le fait d'entendre parler me fait écrire une chanson dessus. Je dis pas 'puisse quelque chose de bon en ressortir', ce serait un cliché mais ça vaut la peine d'y réfléchir. C'est quelque chose qui mérite qu'on y pense.
'The last stand of Sazeb Andlib' c'est à propos d'un Pakistanais qui était dans la même école que moi quand j'étais jeune. Il y étais plusieurs années plus tard quand j'étais plus vieux. J'ai lu son histoire dans les journaux, un jeune gars d'origine Pakistanaise d'autres gamins, certainement une bande, à L.A. ont commencé à chercher la merde. Il était fier, comme Jack Nance, he would'nt take any shit from anybody. Et ainsi… il a été battu si violemment qu'il est mort. C'était il y a quatre ans, à Narbonne. Pas en France, le nom de l'école où je suis était Narbonne High School en Californie, à Los Angeles. Je n'aime pas écrire à propos de sujets si tristes.. je sais pas si ça amène quoi que ce soit, ou si le monde en ressortira meilleur… C'est bien de pouvoir être inspiré par des événements tristes parfois.

SDEP - FMR : Quelle est l'origine de votre nom de scène, Frank Black / Black Francis?
FB :
Bon… la raison d'être de ce nom comme surnom ou nom de scène c'est le principe même du nom de scène comme Johnny Holiday ou n'importe quel autre… avoir un nom pour son art… c'est un héritage. Par exemple aux Etats unis beaucoup d'artistes, comme les chanteurs de blues ou de jazz. Ces types, ces bluesmen noirs avaient toujours un nom de scène. Il se débarrassaient du nom qui leur avait été donné, et ils avaient un nouveau nom, personnel. Je ne sais pas si c'est l'origine des noms de scène dans le reste du monde mais aux Etats-Unis c'est enraciné quelque part entre le Jazz et le Blues.
Dans mon cas, je sais vraiment pourquoi… si ça marche pour Iggy Pop et Little Richard, pourquoi pas pour moi?

 

Egalement dans 'Soit dit en Passant'

  • La seconde partie de cette Interview.
  • Le fichier MP3 qui nous a valu des nouvelles du manager de Frank Black.
  • Un dossier sur le label GoodNoise Music, label electronique de Frank Black.

Quelques liens utiles pour aller plus loin

GoodNoise Music, label electronique de Frank Black.

 

Le site du label américain de Frank Black

Un très chouette site dédié aux PIXIES et à FRANCK BLACK... avec des MP3 rares!

 

Interview réalisée par Pierre Priot, Thomas André et Julien Scribot le 03 mai 98. Traduction de Pierre Priot. 

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