Summer Festival 00
ASIAN DUB FOUNDATION
Interview avec Deedar


Les extraits sonores de cette interview sont à paraître très bientôt !
en attendant, voici la version son complête de l'interview, sans coupe ni montage.
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SDEP : Comment se passe la tournée ? Vous revenez d'Italie je crois…
Deedar : Oui, on vient de faire quelques festivals là-bas…
SDEP: Etaient-ce vos premiers concerts là-bas ?
D : Non, ça fait déjà deux ans qu'on tourne là-bas. Nos premiers concerts en Italie remontent à deux ans, on a fait beaucoup de travail de fond avec ADF, on a fait beaucoup de dates, on a fait quelques concerts avec RAGE (AGAINST THE MACHINE) dans des grands stades.
SDEP : Vous avez désormais un gros succès en France, est-ce de même dans les autres pays d'Europe ?
D : Hum, ça vient… mais surtout en France, ça ne fait aucun doute, car on a joué en France deux ans avant de jouer dans les autres pays, notre disque était distribué, il était dans les magasins et les gens pouvaient trouver "Facts and fictions", ils pouvaient trouver "RAFI" et ensuite… quand "RAFI" est sorti, on l'a remixé, et le reste du monde a découvert ADF et petit à petit, on s'est installé en Europe… et… s'il faut ajouter un autre pays, c'est le Japon. Le Japon connaît ADF maintenant, il y a beaucoup de gens très attentifs à nos discours. Quand on a fait le Fuji Rock Festival, il y a deux ans - on va y retourner à la fin de cette semaine (ça a lieu tous les deux ans) - c'était incroyable : on a joué "Satpal Ram", les gens sont devenus complètement fous, les types ont fait évacuer la salle. Ils ont beaucoup apprécié qu'on s'appelle ASIAN DUB FOUNDATION et pas SOUTH ASIAN DUB FOUNDATION. Ils se sentaient impliqués.
SDEP : Comment était le public, on entend dire qu'ils sont très calmes…
D : Ah, non ! Pas avec ADF, vraiment pas ! Peut-être avec des types comme… OASIS ou une merde de groupe brit'pop, tu vois, où leur guitariste ne regarde que vers le bas, ses pieds et ne s'occupe que de sa guitare, sans réfléchir… non, ils ne peuvent pas s'enthousiasmer pour ça… ADF, ça n'a rien à voir.
SDEP : et les USA ?
D : Oui, on a joué avec les BEASTIE BOYS, la première fois là-bas, on a fait onze concerts, que des concerts dans des stadiums. On y est retournés, avec AUDIOACTIVE, les japonais, et on a appelé notre tournée "The Asian Invasion" et on a tourné, on a attendu la sortie de notre album "RAFI's Revenge" qui devait sortir chez London records, mais ils ont vraiment foiré, ils nous ont laissé tomber et ils ont poussé les ALL SAINTS. Et… on en a eu vraiment marre… on est revenus, on a refait une tournée, notre troisième tournée, et ils n'avaient toujours pas sorti notre album. Alors, cette année, on a laissé tomber, on a dit "non, on veut plus de cette merde" et on attend pour le nouvel album, on y retournera peut-être… Mais pour l'instant, on est pas très emballés par l'Amérique, on a fait notre travail de fond, et on a toujours pas de disque là-bas… beaucoup de groupes sont déçus aussi par l'Amérique… le Canada, oui ! Parce qu'il y a là-bas une importante communauté asiatique à qui on voudrait s'adresser. On a joué à Toronto, à Montréal, ça a bien marché, beaucoup de gens nous ont écrit sur Internet, beaucoup de gens qui voulaient prendre contact avec nous, même des gens qui ont pris l'avion jusqu'à Londres pour participer à notre projet éducatif. Et donc, nous avons un nouveau batteur, il s'appelle Rocky. La première fois que je l'ai rencontré, c'était à Toronto, à un concert d'ADF. Il est dingue, dingue pour ADF, il a joué comme batteur pour nous au Royal Festival Hall, c'était formidable… il ne sonne pas rock, c'est, c'est vraiment un batteur jungle.
Tu vois, ces liens, ces liens que créent les gens qui viennent à Londres, pour collaborer, ça fait très plaisir.

SDEP : Comment réagissent les publics américains, italiens à vos engagements, comme la campagne "free Satpal Ram" ?
D : A New York en particulier, il y a beaucoup d'associations engagés dans des luttes similaires…T'as vu ce qui s'est passé à Seattle, à Washington, plein de jeunes s'impliquent, prennent conscience de ces problèmes de commerce. Les armes nucléaires ce n'est pas tout ; aujourd'hui ce qui prédomine, c'est le commerce, le libre-échange, le commerce des esclaves… l'OMC et tous ces trucs, tu vois ?
SDEP : Récemment, en France a eu lieu le procès de ce gars qui a démonté…
D :
un Mac-Donald ?
SDEP : oui, vous en avez entendu parler ?
D : Oui, j'en ai entendu parler. On pensait en parler aujourd'hui, ouais. On est derrière lui, a fond ! Comment s'appelle-t'il déjà ?
SDEP : José Bové
D :
Ok, c'est ça, il faut que tu me l'écrives, pour que je m'en souvienne tout à l'heure.
SDEP : Il est en train de devenir très populaire
D : Oui ? J'étais épaté quand je l'ai vu à la télévision, il a dit des tas de trucs et tout le monde suivait… Mais, je ne suis pas assez au courant de ce qui se passe, surtout étant en Angleterre, on suit difficilement. Au début on a dû le voir dire : "ok, avec tous les fermiers de France on en assez de ce système, stop ! On va tomber sur vos Mac Donalds ! " C'est le seul jour où on en a entendu parler, après les infos n'en parlaient plus.
SDEP : Ca lève tout un tas de questions sur la qualité de ce qu'on bouffe, les OGM…
D : Ces questions qui préoccupent les kids aujourd'hui, ces modifications…
SDEP : Les jeunes d'aujourd'hui ont l'air très conscients de ces problèmes…
D : Ils n'en sont pas conscients, je ne pense pas qu'ils en soient conscients.
SDEP : Je pense qu'ils le sont plus aujourd'hui qu'il y a dix ans…
D : Je pense que beaucoup d'activistes, beaucoup d'organisations militant sur le terrain doivent s'allier avec les scientifiques pour vraiment connaître ces questions d'OGM et les comprendre… je ne sais pas grand chose à ce sujet.
Le truc que j'ai suivi, c'est Nestlé par exemple. Nestlé, un truc avec le lait pour bébés, tu sais, en poudre, et tout le projet était lié avec une compagnie appelée "Wire" au Texas, celle qui a produit le mouton Dolly, qui a créé une vache transgénique qui produit du lait maternel. Et ils l'ont distribué dans le monde entier, et tout ça est lié à des épidémies, des millions de gosses qui meurent chaque année parce que le mode d'emploi n'est pas affiché sur les boites.
J'ai appris pas mal de trucs là dessus par un comédien, Mark Thomas, qui a travaillé sur le sujet. Il a fait tout un documentaire, très bon, sur l'industrie du lait pour bébés. Ce sont ces gens qui doivent s'imposer dans l'arène publique et dire ce qu'ils ont à dire !
SDEP : Ils ont besoin de porte-parole
D : Oui ! Thomas fait un super boulot. C'est un comédien, Anglais, il fait du très bon boulot.
SDEP : Comment se porte votre projet, Community Music ?
D :
Hum, actuellement on est dans une phase de transition, on a un programme en cours de développement, je ne peux pas vraiment en parler encore parce qu'on ne sait pas encore très bien quelle direction on se dirige, mais je peux t'affirmer que le projet marche bien. On a suffisamment de ressources pour assurer cinq ateliers par semaine. Comme ADF est très occupé en ce moment, on peut pas donner les cours nous-même, alors on a fait venir dans le projet Community Music des "asians" qui avaient suivi les programmes "Music & technology course" et "Music & technology training course", MTC et MTTC. On les a fait venir, et on voit le résultat, INV'ASIAN, je sais pas si tu en as entendu parler. Ca s'écrit "INV" et "ASIAN". On a animé des ateliers avec eux ils y a trois ans et ils ont fait leur premier concert avec nous au London Astoria il y a trois ans aussi. Et maintenant, récemment, il ont fait la première partie de PRIMAL SCREAM à la Brixton Academy ; on n'a jamais joué à la Brixton Academy ! Et eux, ils n'ont tourné qu'un an, alors faites attention à INV'ASIAN. Ils vont tourner en France, d'ailleurs ils ont joué à Paris avec nous et SAIAN SUPA CREW.
Il y a beaucoup de groupes qui montent, beaucoup de gens qui viennent des industries des technologies de la musique qui viennent nous voir, très intéressés par ce qu'on fait. Ils veulent participer, investir, communiquer autour. On va devenir une grosse machine à la fin de cette année. Ca s'annonce bien…
SDEP : Vous commencez à être reconnus en Angleterre maintenant…
D :
Oui,
SDEP : Vous avez eu de très bonnes critiques pour le dernier album…
D :
Oui, c'est bien. "New way new life" résume tout, c'est à propos des asiatiques, la reconnaissance des asiatiques en Grande Bretagne qui ont été méprisés depuis qu'ils sont là. Et aujourd'hui, ils n'ont aucun choix comme le disent les paroles "sense the shit, for and i have no choice". Tjinder à la radio, Tjinder de CORNERSHOP, l'entendre chanter "Brimfull of Asha", numéro un des charts, on aurait jamais, mais jamais pu imaginer que ça aurait pu arriver. Avec des asiatiques ! Et avec Bobby Gillespie qui a dit "si ces gars étaient cinq gosses blancs, ils auraient un contrat ! "… avec ces gens, on se construit un groupe-club, pas un fan-club, non, un groupe-club ! On a les BEASTIE BOYS, PRIMAL SCREAM, RAGE AGAINST THE MACHINE… des gens pour dire "ouais, ADF, passez-les à la radio ! ". Les journalistes, les médias disaient "Je sais pas, pourquoi changer notre critique envers ce groupe… ".
Je dis pas qu'il ne faut pas être critique, je dis "soyez critique" mais ils ne peuvent nous censurer plus longtemps. Les asiatiques à la radio, ce n'est plus un phénomène nouveau. Ca devraient être perçu comme quelque chose de normal et ok.
Pour nous c'est normal
de marcher dans la rue sans avoir d'emmerdes.
SDEP : La situation des asiatiques en Angleterre est similaire à celle des Algériens, Marocains, en France…
D :
C'est la même chose ! ADF a dû venir en France pour être reconnu. On était inconnus, les Français ont du dire aux Anglais "vous savez que vous avez chez vous un groupe, qui est très bon ". ZEBDA a du aller en Italie, en Espagne, et les Italiens et les Espagnols de vous dire "vous savez que vous avez chez vous un groupe, qui est très bon ". Ca ma fait vraiment chier, parce que ce n'est que de l'ignorance. C'est : "Ca ne va pas ça : c'est français, si on est français, on ne fait pas ça" et pareil "si on est anglais, on ne fait pas ça, cette musique". C'est pour ça qu'on dit qu'on est la vraie Brit'pop. Tu vois, et ZEBDA est la vraie French'Pop. Hier on a joué avec ALMA MAC GUIRE (NDWM : pas trop sûr du nom), je parlais avec Remi, le chanteur qui disait qu'ils n'arrivaient pas à jouer en dehors d'Italie. Ce qui est idiot ! Ils sont aussi bons que ZEBDA, ce sont des Italiens, basés en Italie. Ils mélangent les genres : napolitains, italiens, nord africains… Ils n'arrivent pas à jouer en France, ni en Angleterre, les maisons de disques ne croient pas en eux. Ca me fait vraiment chier que ce groupe ne puisse pas s'exprimer. J'étais très content que SAIAN SUPA CREW ait fait Glastonburry, l'autre jour, et ils ont foutu le feu au public. Mais les groupes français n'arrivent pas à jouer en Angleterre, tu sais, les Anglais sont si ignorants. Ils disent "c'est pas anglais, je ne comprends pas les paroles, je ne veux pas écouter".
SDEP : C'est surtout les groupes techno français qui percent en Angleterre.
D :
Oui, c'est vrai. C'est bien. Tu peux prendre de la coke, de l'ecstasy, te retourner la tête, c'est ok car tu n'as pas besoin d'être ignorant avec cette musique puisque tu la comprends aussi con que tu sois. Mais, en Amérique en particulier, si un groupe se pointe, comme SAIAN SUPA ou si un autre groupe français va en Amérique c'est "get out, qu'est ce que tu fous là, tu parles pas ma langue, get out". Et l'Angleterre ressemble de plus en plus à l'Amérique et adopte la même idéologie.
Je pense, tu sais, je pense que beaucoup de groupes français finiront par aller jouer au Canada, fuyant les USA. Le Canada est francophone, il y a beaucoup de gens ouverts à la musique française. ZEBDA devraient avoir un super succès au Canada ! Ils devraient être énormes en Chine !
SDEP : Ca fait beaucoup de monde à qui vendre des disque !
D :
C'est une ancienne colonie, les gens parlent français…
SDEP : C'est plutôt au Viêt-Nam, à l'ex Indochine que tu fais référence…
On se paye pas mal d'artistes Québécois en France, ce qui est drôle c'est qu'ils chantent sans leur accent.
D :
Ah, ouais ? C'est dans ce sens que ça marche ? J'étais épaté, je suis allé dans un restaurant au Canada, et j'ai "est-ce que je peux prendre un verre" et elle a dit "pardon ?" (NDWM : en français). Et là, le Canada, c'est mon ignorance, le Canada, on devraient pas parler canadien ? Et non, ils ne parlent pas canadien, ils ne connaissent même pas le canadien. Ils parlent français depuis toujours.
SDEP : Il y a même des Québécois pour réclamer l'indépendance…
D :
C'est ceux de Montréal ? C'est là qu'il y a le plus de francophones… ils veulent l'indépendance ? Se séparer de Toronto ?
Je pense pas que tous les américains soient tous foutus, il y a des ispano, franco, portugo-anglais.
SDEP : En Louisiane, il y a des types qui parlent un français que je ne comprendrais même pas.
D :
Ah ouais ? C'est la même chose avec l'espagnol en Amérique du sud, il y différents espagnols là bas…
SDEP : Même en Espagne c'est le cas.
D :
C'est pareil en Angleterre, si tu viens de… Moi, je viens d'East London, je parle comme ça, et puis t'as les écossais, c'est… tu vois, tu comprends pas leur accent. On a fait une tournée en Angleterre, jusqu'en Ecosse. On savait pas que "hi" voulait dire "yes" !
SDEP : Votre dernier album se distingue de "Facts and fictions" et de "RAFI", il est plus riche…
D :
Il y a plus de couleurs.
SDEP : C'est le résultat d'un effort spécifique ?
D :
Je pense pas qu'on avait vraiment de plan. Je pense que c'est le plus loin qu'on puisse pousser ADF sous sa forme actuelle. "Community music" est le plus loin qu'on puisse aller avec ce format. Cinq membres et ces instruments. Tout le monde a envie d'aller plus loin. Vous allez voir plus de percussions, vous allez voir Rocky que j'ai cité, vous allez voir Put'al qui joue du "dol". On veut voir des types d'INV'ASIAN nous rejoindre, on aura deux rappers de plus. C'est qu'une question de temps, quand on faisait "Facts and fictions" on voulait que tout le monde participe. Il nous faut plus de rappers. Il n'y a que moi, je ne pense pas que ça suffise. Donc on les intègre. On cherche d'autres participations… enfin, il n'y a pas de plan écrit… c'est excitant, on va voir. "Scaling new heights" sur le nouvel album est une direction dans laquelle on pourrait voir évoluer le groupe. C'est une voie que le groupe veut vraiment explorer, c'est pour ça que le morceau conclut l'album. Et d'autres collaborations, peut-être on verra à nouveau Navigator, il y a tellement de gens avec qui on veut travailler.
SDEP : Avec PRIMAL SCREAM encore ?
D :
Oui, c'est une très bonne idée, j'en ai parlé avec notre ingénieur du son, Louie… oui, c'est une bonne idée. Ce serait une bonne idée de travailler avec tous les gens qui ont soutenu ADF. Peut-être Zak, de RAGE, ou Bobby (Gillespie). Tous ces gens qui ont… un poids, un statut, si on les rassemble sur l'album, on apprend beaucoup. Et ensuite, on transmet ces compétences, ces idées. C'est une direction dans laquelle on va depuis sept ans déjà, tu sais, on est toujours là, mais on a pas encore notre propre production, notre propre building. On cherche à avoir notre propre espace d'enregistrement, nos salles de répétition. Ca va aller croissant comme ça, on aura tous ces jeunes qui viendront et qui dirons "ouais, Dr Das est un grand bassiste, il m'a inspiré énormément, mais c'est comme ça qu'il faut jouer", tu vois, et Dr Das dira "Oui (en français) kid, j'avais jamais pensé à ça !" et je ferais pareil avec tous ces gosses à qui on enseigne la musique. Et c'est toute la tradition, la tradition populaire du Qwali. Nusrat Fateh Ali Khan est parti, ses neveux le remplacent ; les neveux s'en vont, la prochaine génération les relève.

Propos recueillis et traduits
par El Compilafunkistador
(des extraits sonores très bientôt en ligne !)

 Des liens qu'ils sont bien pour poursuivre la lecture :

  • Le récit d'un manifestant à Seattle pour le WTO (terrible !)
  • La chronique du dernier ADF : "Community Music"
  • Une interview de 1998 avec Pandit G, DJ d'ADF

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